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					LE PARIA
			
					Il faisait grand beau temps sur l'allée des platanes
					L'homme, à l'abri du vent, avait le coeur en panne.
					Il montrait aux passants ses écrits, ses poèmes
					Des mots jetés souvent, dans le flot des grands thèmes.
					Et les regards curieux, fuyaient juste à l'instant
					Où l'homme était heureux, d'être enfin convainquant.
					Dire de la poésie, à la face des gens
					C'est prêcher au maquis touffu des sourds-vivant.
			
					Il n'avait pas choisi de décrire les fleurs
					Mais accusait d'un cri, le monde des sans-coeur.
					Il était tenaillé par cette indifférence,
					Si souvent émaillée, de grande intolérance.
					Est-ce donc dérangeant de dire des vérités, 
					Ainsi impunément à tous ces yeux fermés ?
					On se cache la face, pour ne pas voir pourquoi
					Ceux qui ont de l'audace, deviennent des parias.
			
					L'audace d'avoir faim, d'être contre la guerre,
					De vouloir être humain ou chasser la misère.
					Il ne comprenait pas, comment ces braves gens,
					Devant son désarroi, restaient indifférents.
					Il en crevait de rage, que tous puissent dormir
					Quand nous faisions naufrage, en pleine mer Délire.
					Ont-ils bien entendu son appel au secours ?
					Et ces bouches cousues, vont-elles s'ouvrir un jour ?
			
					Sur ce cours ombragé, soufflait encore le vent
					Et le poète hurlait ses mots désespérants.
					Ainsi donc crucifié, sur ses textes d'espoir,
					Carrément écorché par tous ses mots-rasoir,
					Il attendait qu'une âme rompe le silence,
					Quand se jouait son drame, sans une assistance.
					Les heures s'égrainaient au son d'un carillon,
					Venant lui rappeler plus encore sa passion.
			
					Comme un de ses feuillets, s'envolait loin par terre,
					Une femme le ramassait sans aucune prière.
					Et vint lui rapporter, curieuse de l'écrit,
					Et lui, s'enthousiasmait de ce moment précis.
					C'était une beauté que le temps n'a rien pris,
					Sans être une Psyché, elle pouvait faire envie.
					Et le vent s'apaisa, peut être pour marquer
					La fin d'un jour ingrat, puis l'amour retrouvé.
			
					Ainsi vint la réponse à ce problème en tête,
					Pourquoi donc la ronce, s'acharnait au poète ?
					Ce qui le mis en miettes, une histoire d'amour
					Finissant en défaite, après un long parcourt.
					Cette affaire de coeur glaçant son affection,
					S'ajoutait aux rancoeurs de ses indignations.
					Est-ce que cette femme soignerait sa blessure,
					Qui saignait des mots-larme, bien plus que la mesure ?
			
					La belle s'intéressa aux poèmes-détresse,
					Et vivait ces combats, elle aussi sans faiblesse.
					Ses rêves étaient passés au large de sa vie,
					Vaincue par des années immenses de mépris.
					Et son pas s'est usé sur des terrains mouvants,
					A vouloir éviter son destin, dans le temps.
					Grandes désillusions nourries par les orages,
					Qui l'envoyaient au fond, de bien grands marécages.
			
					Cette douce étrangère portait résolument
					Son coeur en bannière, par fierté de son sang.
					Une ancienne paria qui refusait la haine,
					En livrant le combat à la bétise humaine.
					De batailles en défaites, accablée par le sort,
					Elle relevait la tête, obstinée dans l'effort.
					Faut dire que cette femme, qui naquît pas d'hier,
					Ne vendait pas son âme à la boue de l'ornière.
			
					Bétises en cohorte qu'elle vivait tous les jours,
					Une fois passé sa porte, plus souvent qu'à son tour.
					Bétise imbécile d'un racisme effréné,
					Répugnant et facile, de ces âmes bien nées.
					Bétise abrutie, d'un sexisme éhonté,
					Un formel démenti à toute égalité.
					Bétise qui s'insinue entre les deux amis,
					Pour en faire c'est couru, de pires ennemis.
			
					Tout çà n'était pour elle que mauvais souvenirs,
					Cette ancienne rebelle, avait su s'en sortir.
					Elle parlait à voix basse, lui, buvait ses paroles,
					C'était un face à face que plus rien ne désole.
					Et venait à la vie, un de ces amours fous,
					Que nulle compagnie ne peut rendre plus doux.
					Le soir était tombé sur les deux silhouettes,
					Il voyait s'enlacer leurs deux coeurs en fête.
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